Un manager en réunion, un parent à bout : quand les opposés frappent à la porte
Entre l’exigence de performance du lundi matin et les pleurs imprévus du mercredi soir, l’équilibre semble parfois un mythe. Vous êtes peut-être ce cadre qui jongle entre KPI et dessins animés, ou cette mère qui passe sans transition du « marketing produit » à l’écoute empathique. Vous n’êtes pas seul : ce tiraillement porte un nom en psychologie jungienne — la conjonction des opposés.
Comprendre la conjonction des opposés : de la dualité à la cohabitation
Carl Gustav Jung identifie dans la psyché des pôles contradictoires mais fondamentaux : le Moi et le Non-Moi, la Persona et l’Ombre, le Conscient et l’Inconscient. L’enjeu n’est pas d’en éliminer un, mais de créer un espace de cohabitation symbolique, une narration où ces pôles cessent de s’opposer et commencent à dialoguer.
Cette dialectique rejoint la psychologie culturelle de Bruner, qui postule que nous pensons, ressentons et nous développons à travers des récits. Le récit n’est pas un ornement : il est la structure de l’expérience psychique.
L’art de l’unité : du Moi au Soi par le récit personnel
Le récit de soi devient l’espace d’une transformation : il ne nie pas les tensions mais les reconfigure. Prenons une illustration typique issue du monde professionnel :
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Persona : une responsable projet ultra-efficace, toujours sous contrôle.
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Ombre : une femme sensible, parfois débordée par l’anxiété ou le doute.
À travers un travail narratif, cette dualité se transforme : l’efficacité devient une ressource d’organisation, la vulnérabilité, une boussole émotionnelle. En termes de thérapie des schémas, nous sommes ici face à un schéma d’exigence élevée (perfectionnisme) couplé à un schéma de vulnérabilité (peur de l’abandon ou de l’échec).
Le récit permet de créer un « mode adulte sain », où ces schémas cessent de dominer en coulisse pour être reconnus, canalisés et mobilisés de façon constructive.

Le cinéma français s’en mêle : de Claude Sautet à Maïwenn
Des films comme Un cœur en hiver ou Polisse illustrent cette tension entre façade sociale et turbulence intérieure. Le personnage ne s’en sort que lorsqu’il s’autorise une forme de vérité subjective : l’histoire qu’il se raconte sur lui-même évolue, devient plus intégrée, plus cohérente.
Application pédagogique : la narration comme levier transformationnel
En pédagogie, comme dans l’accompagnement thérapeutique ou managérial, favoriser la conjonction des opposés, c’est :
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Accueillir les ambivalences sans les classer comme “bonnes” ou “mauvaises”,
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Utiliser l’écriture, le jeu de rôle ou l’imaginaire symbolique pour reformuler les conflits internes,
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Privilégier une lecture archétypale des tensions (le héros, l’ombre, le guide), dans une logique de transformation.
Pour aller plus loin : réconcilier schémas et imaginaire
La thérapie des schémas, fondée par Jeffrey Young, permet d’identifier les racines émotionnelles des comportements dysfonctionnels. Là où Jung propose une lecture mythologique, Young offre une cartographie des vulnérabilités. Mais les deux approches se rejoignent : la guérison passe par l’intégration narrative. Le schéma n’est pas éradiqué : il est nommé, situé, intégré.
Conclusion : Et vous, quel récit vous racontez-vous ?
Vous pensez devoir toujours être fort·e ? Toujours calme ? Toujours parfait·e ? Et si cette exigence n’était qu’un pan de vous-même, appelant une autre voix à se faire entendre ?
Quel récit pourriez-vous écrire pour que vos contradictions deviennent des alliées ?
#FAQ
Qu’est-ce que la conjonction des opposés en psychologie jungienne ?
C’est l’idée que la psyché humaine se structure autour de pôles contraires (comme le conscient et l’inconscient), et que le bien-être passe par leur intégration symbolique, non leur suppression.
Pourquoi ressent-on une tension entre différentes facettes de soi ?
Parce que notre psyché contient des forces contradictoires, souvent refoulées. Par exemple, une personne performante peut cacher une grande sensibilité.
Quel est le lien entre récit personnel et équilibre psychique ?
Le récit permet de donner sens à nos contradictions. Il aide à créer une narration où les tensions deviennent des éléments intégrés, et non des conflits destructeurs.
Comment la « Persona » et l’ »Ombre » interagissent-elles ?
La Persona est notre masque social, l’Ombre, ce que nous refoulons. Leur dialogue permet d’éviter les comportements rigides ou de rejet.
En quoi cette approche peut-elle aider en management ?
Elle permet aux managers de mieux se comprendre et de naviguer entre efficacité professionnelle et intelligence émotionnelle, sans sacrifier l’un pour l’autre.
Quels outils utiliser pour intégrer les opposés ?
L’écriture introspective, le jeu de rôle, l’analyse des archétypes, et la thérapie des schémas sont des outils puissants de transformation intérieure.
La conjonction des opposés concerne-t-elle tout le monde ?
Oui, chaque être humain possède des tensions internes. Ce concept universel nous invite à les accueillir pour grandir.
Le cinéma reflète-t-il cette notion ?
Absolument. Des films comme Polisse ou Un cœur en hiver montrent comment les personnages évoluent en intégrant leurs tensions internes.
Comment appliquer cela en pédagogie ?
En reconnaissant les ambivalences chez les apprenants, et en les aidant à en faire un récit transformateur plutôt qu’un blocage.
Existe-t-il un lien entre Jung et la thérapie des schémas ?
Oui. Jung offre une lecture symbolique, Young une cartographie émotionnelle. Les deux convergent vers une intégration narrative des blessures.