En 2021, le numérique a accéléré la médiatisation de tous les événements dans un temps record. Par exemple, avec Twitter, (ou via d’autres réseaux sociaux qui émergent également), il n’est plus surprenant d’être au courant d’une action qui se déroule en direct (ou avec un décalage de quelques secondes). Être au courant « en direct », via le partage en cascade d’un film, de mots, d’une image sur les réseaux sociaux, est-ce vraiment de la médiatisation ?
Dans l’espace du numérique, le temps nécessaire à la réflexion qui permet la médiatisation peut se produire. Dans cet espace, où la création est accessible et peut être partagée par tous, voire modifiée (quasi sans trace) par feed-back, l’espace du numérique apparaît complexe, car auto-organisé, avec des effets et des causes qui s’entremêlent sans linéarité.
Dans ce système complexe, la réflexion, la médiatisation ne sont pas « professionnalisées », soumises à un code de déontologie. Je mets à part bien entendu « les professionnels » qui déclinent et adaptent leurs médias d’origine (papier, TV, radio) sur les réseaux sociaux. Comme on le sait depuis de Marshall McLuhan « Medium is message » : le support de l’information (médium) apporte et configure la perception de l’information (message).
L’espace numérique offre cette liberté qui s’affranchit de toutes contraintes déontologique et professionnelle. Utiliser le langage d’un système linéaire pour l’appliquer à un système complexe, c’est juger un espace avec un autre espace et ainsi confondre et résumer une expression « propre », sans visée, sans volonté d’information, souvent immédiate d’un individu ou d’une petite communauté d’individu à un seul mot issu du système linéaire (papier, TV, radio) des professionnels de l’information ce mot : FAKE NEWS.
Le partage des fake news influence-t-il notre perception de la réalité ? Par principe : NON ! En effet, une fake news est par définition issue du système linéaire qui démontre qu’elle est fausse, son introduction par partage dans le monde complexe du numérique, n’apporte rien à la perception de la réalité, voire elle la conforte.
L’exposition sélective (Festinger, 1957) nous indique que nous sommes toujours à la recherche d’informations, d’indices, de lectures « consonantes » avec notre équilibre psychologique : nous ne croyons pas ce que nous voyons, nous voyons que ce que l’on croit. Dans l’espace complexe du numérique, nous pratiquons en liberté et sans contrainte la recherche d’informations (fausse ou pas) qui conforte l’homéostasie. Soit de manière active en inventant un récit : une histoire qui rationalise notre recherche, notre comportement (théorie de la dissonance cognitive Festinger), soit de manière passive : une recherche, un surf, un balayage, un check qui infère une pensée — au sens de la théorie de l’autoperception (Bems). On voit apparaître la grammaire assez « pauvre » de l’espace numérique quand on le projette dans l’espace de l’information. Les seuls points d’intersection de ces deux espaces sont des pensées en partageant un post, une adhésion en ajoutant un like, une émotion en ajoutant un émoticône.
L’influence sur la perception de la réalité n’est pas liée au partage, ni aux news (fake ou pas), mais à la rationalisation d’un comportement que l’on découvre ou que l’on souhaite justifier.
En acoustique, le micro traduit le son réel en une empreinte électrique et l’amplificateur / haut-parleur traduit l’empreinte électrique en son. Dans ce système de traduction et d’amplification du réel, lorsque le micro est en direction du haut-parleur, il se produit un son dû uniquement au système : c’est ce que l’on appelle l’effet Larsen.
Les fake news sont l’effet Larsen de l’espace numérique. C’est-à-dire un bruit issu du système, qui se produit globalement rarement, que l’on corrige facilement, et qui n’indique pas plus que nous sommes dans un espace de « médiatisation numérique instantanée du réel » où le post « fake news » (comme le micro en acoustique) est orienté vers son propre système d’amplification et de compréhension, pouvant décrédibiliser la source, la ridiculiser, la dénoncer, mais à aucun moment retranscrire le réel perçu et traduit par l’espace numérique.