En 1987, le sociologue Renaud Sainsaulieu a modélisé les organisations professionnelles comme des lieux de production de la culture, aussi cruciaux que tout autre système social. Ce concept, bien que vieux de plusieurs décennies, conserve une importance et une pertinence remarquables pour comprendre notre environnement de travail aujourd’hui. Alors, que signifient exactement ces modèles et comment influencent-ils notre identité professionnelle ? En route pour la découverte !
Sainsaulieu et la Culture Organisationnelle
Selon Sainsaulieu, la culture organisationnelle est définie par des modes de pensée et de comportement habituels, plus ou moins partagés, qui doivent être appris et adoptés. Cette culture est un produit collectif, créé pour faire face aux problèmes environnementaux et d’intégration interne. Elle est donc un espace où se créent et évoluent des mécanismes d’adaptation, de construction, et de déconstruction entre l’institution et l’individu, mais aussi entre les valeurs et les normes qui les fondent.
Sainsaulieu distingue quatre modèles culturels qui forment l’identité professionnelle: le modèle de la fusion, le modèle de la négociation et de la différence, le modèle de l’exclusion et des affinités, et le modèle du retrait.
I. Le Modèle de la Fusion : Une Mosaïque de Collectifs
Dans ce modèle, le pouvoir individuel des travailleurs est faible. Ils se regroupent en grands collectifs, où le dirigeant est la figure fusionnelle. Cette identité valorise le collectif comme refuge et protection. Les individus ont un accès limité aux sources formelles de pouvoir et dépendent fortement des ressources socio-affectives et des potentialités d’action du collectif. Le chef est indispensable pour orienter l’action du groupe, la solidarité étant la valeur dominante. Le groupe agit alors comme un sanctuaire émotionnel, sans débats idéologiques.
II. Le Modèle de la Négociation et de la Différence : Entre Solidarité et Individualité
Contrairement au modèle de fusion, ce modèle met l’accent sur les travailleurs hautement qualifiés. Ces derniers ont un réel pouvoir personnel pour négocier individuellement le contenu et les modalités de leurs activités. Le travailleur est alors un acteur maîtrisant les règles de l’action collective, capable de prédire l’avenir de l’organisation grâce à ses compétences techniques. Ce jeu d’équilibre entre solidarité et différence permet le bon fonctionnement de l’organisation.
III. Le Modèle de l’Exclusion et des Affinités : L’Individualisme en Marche
Ici, l’accent est mis sur les travailleurs les plus qualifiés qui aspirent à l’ascension sociale et au réseautage, même hors de l’entreprise. L’environnement de travail est fluide, favorisant la promotion et le développement d’un réseau. Dans ce modèle, l’évolution de l’individu fait perdre le sentiment d’appartenance au groupe. Les relations interpersonnelles sont peu nombreuses mais fortes, structurées autour des affinités.
IV. Le Modèle du retrait : je est un autre mais ce n’est pas de moi
Le modèle du retrait fait référence aux travailleurs qui se sentent déconnectés de leur travail, qui le voient plus comme une obligation qu’un engagement. Ces individus, qui peuvent être qualifiés ou sous-qualifiés, ne cherchent pas à tirer un bénéfice personnel ou professionnel de leur activité. Ils se concentrent uniquement sur le gain financier qu’ils en retirent pour subvenir à leurs besoins.
Cette identité se cristallise lorsque le fossé entre l’individu et l’organisation s’élargit. Les participants de ce modèle partagent une faible marge de manœuvre, ne comptant que sur leur salaire pour maintenir leur engagement. Leur vision de l’avenir au sein de l’organisation est sombre et non négociable (soit du fait de leur proximité avec la retraite, soit par un manque de reconnaissance de leurs compétences).
Par conséquent, leur investissement dans le travail est minime, compensé par des investissements personnels et sociaux en dehors du travail qui définissent leur identité sociale.
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L’expérience du pouvoir est rare et insignifiante.
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L’investissement dans les relations de travail est très faible.
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La relation avec le leader est caractérisée par une dépendance majeure: le leader est perçu comme un protecteur et une figure d’autorité incontestée.
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Le travail n’est pas valorisé comme une vertu en soi, mais plutôt comme un moyen de satisfaire les besoins économiques.
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Les actions collectives sont rares, les individus agissant davantage comme des entités isolées que comme un collectif
Le travail de Sainsaulieu nous aide à mieux comprendre l’interrelation complexe entre l’individu et l’organisation. Ses modèles de la fusion, de la négociation et la différence, de l’exclusion et des affinités, offrent un éclairage précieux sur les dynamiques culturelles au sein des organisations et leur impact sur notre identité professionnelle. Comprendre ces modèles peut nous aider à naviguer efficacement dans le paysage professionnel, à forger notre propre identité et à contribuer à une culture organisationnelle positive.
#FAQ
Qui est Renaud Sainsaulieu?
Renaud Sainsaulieu (1935-2002) était un sociologue français spécialisé dans la sociologie du travail et des organisations. Il a fortement contribué au développement de cette discipline, notamment par ses travaux sur la culture organisationnelle et la construction de l’identité au travail. Il a été le directeur de l’Institut de Recherche sur les Sociétés Contemporaines (IRESCO) et a créé le Laboratoire de Sociologie du Changement des Institutions (LSCI).
Qu’est-ce que la culture organisationnelle?
La culture organisationnelle se réfère à un système de valeurs, de normes, de croyances et de comportements qui sont partagés par les membres d’une organisation. Elle influence la manière dont les individus perçoivent, pensent et se comportent au sein de leur organisation. La culture organisationnelle peut se manifester de différentes façons, notamment à travers les rites, les rituels, les symboles et les histoires qui sont partagés au sein de l’organisation.
Quels sont les quatre modèles culturels de Sainsaulieu?
Les quatre modèles culturels de Sainsaulieu sont le modèle de la domesticité, le modèle de la citoyenneté, le modèle du retrait et le modèle de l’aliénation. Ces modèles représentent différentes façons dont les individus peuvent se rapporter à leur travail et à leur organisation, en fonction de facteurs tels que leur engagement, leur investissement personnel et professionnel, leur perception du pouvoir et leur relation avec les leaders.
Comment ces modèles influencent-ils notre identité professionnelle?
Ces modèles influencent notre identité professionnelle en structurant la manière dont nous nous percevons et nous nous comportons dans notre environnement de travail. Par exemple, dans le modèle de la domesticité, l’individu peut se percevoir comme un membre d’une famille, avec un fort sentiment d’appartenance et de loyauté envers l’organisation. À l’inverse, dans le modèle de l’aliénation, l’individu peut se sentir déconnecté de son travail et de son organisation, ne voyant son travail que comme un moyen de subvenir à ses besoins.
Comment ces modèles peuvent-ils nous aider à naviguer dans notre environnement professionnel?
Ces modèles peuvent nous aider à mieux comprendre notre relation avec notre travail et notre organisation. En identifiant le modèle qui correspond le mieux à notre expérience, nous pouvons mieux comprendre nos motivations, nos attentes et nos comportements au travail. De plus, en comprenant les différents modèles, nous pouvons être plus empathiques et efficaces dans nos interactions avec les collègues qui peuvent se situer dans des modèles différents du nôtre.