Être là sans y être
Imaginez une entreprise comme un vieux port battu par les vents.
Des quais solides, des routines bien huilées, des navires que l’on préfère voir attachés au quai plutôt que perdus au large.
Et soudain, dans cette mécanique rassurante, surgit une voix :
« Et si nous larguions les amarres ? »
Ce sont eux, les transformateurs.
Celles et ceux qui proposent de sortir du port…
Et qui, pour cette audace, sont souvent invités, poliment mais fermement, à quitter le navire.
Comme dans Muriel d’Alain Resnais, où les personnages vivent dans un lieu qu’ils n’habitent déjà plus vraiment, les transformateurs résident dans l’organisation sans y être vraiment accueillis.
Pourquoi cet article ?
Parce que comprendre l’exclusion silencieuse des innovateurs, c’est prendre la mesure de l’état de santé réel de nos organisations.
Et c’est aussi ouvrir la voie à une autre manière de travailler ensemble : plus vivante, plus courageuse.
Le paradoxe du transformateur
Dans le discours officiel, l’innovation est célébrée.
Dans la pratique, elle dérange.
Le transformateur propose une alternative, parfois brute, parfois maladroite — mais toujours précieuse.
Pourtant, il est souvent perçu comme une menace : au confort, aux routines, à l’équilibre apparent.
Comme dans Muriel, où Bernard revient d’Algérie, chargé d’une vérité que personne ne veut entendre, le transformateur porte une histoire que l’organisation ne sait pas accueillir.

Pourquoi la vérité dérange tant
La vérité d’un transformateur n’est pas toujours polie.
Elle expose les failles, révèle les non-dits, soulève les contradictions.
Dans une culture d’entreprise construite sur la stabilité et l’apparence d’harmonie, cette vérité est insupportable.
La sanction est alors indirecte, feutrée : marginalisation, évictions en douceur, silences pesants.
Quand la structure devient inertie
Yves Clot l’a montré :
« La structure organisationnelle peut devenir un dispositif de conservation, non d’évolution. »
Trop souvent, l’organisation préfère conserver des routines obsolètes que d’affronter la tempête de la transformation.
Muriel : être exilé sans partir
Dans Muriel, les personnages restent à Boulogne mais rêvent d’ailleurs.
Ils vivent dans un lieu qui a cessé de les reconnaître.
Ainsi en est-il du transformateur : il appartient officiellement à l’organisation, mais son esprit erre à la recherche d’une terre d’accueil.
Tableau de Synthèse : Le Transformateur et l’Exilé
Dimension | Le Transformateur | Personnage dans Muriel |
---|---|---|
Ancrage | Présence sans reconnaissance. | Habitation sans appartenance. |
Discours | Vérité alternative, non désirée. | Mémoire refoulée, douloureuse. |
Réaction | Neutralisation douce. | Silences étouffants. |
Psychologie | Schéma d’exclusion activé. | Trauma non résolu. |
Exil | Exil intérieur, sans départ. | Présence spectrale. |
Quête | Terre d’accueil professionnelle. | Rédemption impossible. |
La spirale de l’exclusion : un exil intérieur
Dans une entreprise toxique au changement :
-
L’absence de reconnaissance dégrade la confiance.
-
Le conformisme remplace la vitalité.
-
L’organisation se sclérose… sans même s’en rendre compte.
Exclure le transformateur, c’est couper ses propres ailes.
Comment accueillir les transformateurs
Pour éviter cette lente autodestruction silencieuse, il faut :
-
Créer des espaces de dialogue réel.
-
Sécuriser l’expérimentation, l’erreur.
-
Valoriser les voix discordantes comme facteurs de vitalité.
-
Accompagner le conflit sans chercher à le tuer.
Bref, construire une organisation capable de naviguer en haute mer, pas seulement de rester amarrée.
De l’exclusion à la renaissance
Quels objectifs poursuivons-nous vraiment ?
-
Si c’est la survie à court terme, l’exclusion fonctionnera.
-
Si c’est l’innovation durable, il faudra apprendre à accueillir ceux qui viennent d’ailleurs.
Quels problèmes soulève l’exclusion systématique ?
-
Perte de sens.
-
Départ des talents.
-
Reproduction des échecs passés.
Comment résoudre cela ?
-
En assumant que toute transformation commence par une brèche : une faille ouverte par ceux qui osent regarder ailleurs.
“Les vérités niées cherchent toujours un autre chemin.”
#FAQ
Qu’est-ce qu’un transformateur en organisation ?
Un transformateur est une personne qui propose des alternatives au fonctionnement établi, portant ainsi une dynamique de changement parfois inconfortable pour l’organisation.
Pourquoi les innovateurs dérangent-ils autant dans les organisations ?
Ils révèlent, volontairement ou non, les limites, failles ou incohérences du système en place, ce qui génère résistance, peur et défense des équilibres existants.
L’exclusion des transformateurs est-elle toujours consciente ?
Non. Très souvent, elle s’opère inconsciemment, par petites étapes : silences, marginalisations, retrait progressif de responsabilités.
Existe-t-il des signes avant-coureurs d’une exclusion ?
Oui : absence aux réunions, communication réduite, perte d’autonomie dans les projets, isolement social subtil.
Quels sont les risques pour une organisation qui exclut ses innovateurs ?
Perte d’engagement des équipes, fuite des talents, baisse de créativité, augmentation des coûts liés à la démotivation et à la stagnation.
Comment une organisation peut-elle mieux accueillir ses transformateurs ?
En créant des espaces sécurisés d’expression, en valorisant les tensions créatives, en acceptant le désaccord comme source de progrès plutôt que de conflit.
Que nous enseigne Muriel d’Alain Resnais sur l’exclusion ?
Que l’on peut vivre « chez soi » tout en étant étranger ; que refuser d’entendre les vérités inconfortables enferme les individus et les collectifs dans une errance invisible.
Quelle est la place de la thérapie des schémas dans cette analyse ?
Elle éclaire comment le schéma d’exclusion sociale peut être activé, renforçant à la fois la blessure du transformateur et la peur collective du changement.
La reconnaissance tardive des transformateurs est-elle suffisante ?
Souvent non. Lorsque la reconnaissance survient après l’exclusion, le collectif a déjà perdu une énergie précieuse, et les réparations sont plus difficiles.
Quel serait le premier pas pour sortir du cycle d’exclusion ?
Changer de regard : ne plus voir la dissonance comme une menace, mais comme un signal vital pour l’évolution de l’organisation.